Extraits :
– Prologue –
– Journal l’Indépendant Narbonne–
– Édition Nationale–
L’éditrice parisienne Muriel Delagrange 65 ans a été retrouvée sauvagement assassinée dans son pavillon de Saint-Germain-en-Laye. Cet étrange décès serait dû à plusieurs morsures qui auraient provoqué la mort.
Muriel Delagrange était aussi depuis de nombreuses années l’agent de Cordélia Harris, auteur rendue célèbre grâce à l’héroïne de ses romans fantastiques : Ilénah Guerrière Sauvage.
Lors d’une de ses dernières interview, l’éditrice avait laissé entendre que Cordélia Harris pourrait changer de voie littéraire, en envisageant l’écriture de romans plus personnels, voire autobiographiques.
Tout à l’écriture de son prochain ouvrage, cette dernière, retirée dans un endroit discret de notre belle région audoise a déclaré : « Je suis profondément choquée par l’affreux crime. Très affectée aussi à la pensée que mon agent et amie ne pourra pas lire mon futur roman. Il lui sera dédié. »
Alors, acte d’un fou furieux ? D’un auteur refoulé cherchant une vengeance qui ferait parler de lui ? Mme Delagrange connaissait-elle son assassin ?
La police met tout en œuvre afin de retrouver le ou les coupables mais déclare que l’enquête sera certainement très longue : Pour l’instant, l’autopsie n’a rien révélé de concluant, aucune empreinte particulière, aucune trace d’effraction, l’alarme ne s’est pas déclenchée. Le mystère reste complet.
Moqueurs, les fans d’Ilénah s’amusent à raconter, sur la page Internet dédiée à la saga littéraire, qu’un vampire déçu par l’annonce de l’arrêt possible de la série aurait trucidé l’éditrice…
***
Il était presque quinze heures. Léna chaussa ses bottes fourrées, enfila sa
doudoune en duvet puis prit le sac en toile dans l’entrée. La fillette vérifia que le
porte-monnaie et la petite liste se trouvaient bien à l’intérieur avant de quitter la maison.
Le ciel était bas, sombre ; heureusement le vent soufflait faiblement sinon la température ressentie aurait été glaciale. Arrivée au milieu de la cour, elle chercha Belloc du regard mais son jeune chien devait dormir dans la paille d’une des granges de la ferme. Dès qu’elle en avait l’occasion, Léna le faisait rentrer à l’intérieur de la
maison et ils se pelotonnaient devant la grande cheminée comme deux petits
gnomes. La fillette pouvait rester des heures ainsi, les doigts glissés dans le pelage tiède.
Frissonnante, Léna traversa la nationale puis se dirigea vers l’épicerie en
remontant la rue face à la ferme. Sa mère ne comprenait pas pourquoi la petite
tenait tant à faire les achats l'après-midi plutôt que le matin, mais du moment
qu’elle y allait, cela lui faisait gagner du temps.
Isabel venait à peine d’ouvrir son épicerie lorsque Léna entra, faisant tinter une petite cloche fixée à la porte.
« Voilà notre jolie nena ! J’avais oublié que nous étions mercredi ! »
s’exclama-t-elle en souriant.
La fillette lui rendit son sourire.
– Va t’asseoir, je te prépare un lait chaud. Aujourd’hui, je vais te raconter une
histoire de sorcière…
***
« Allô maman, c’est moi. Je sais ça fait très longtemps. Je… Je suis désolée d’appeler comme ça. Est-ce que ça va papa et toi ? »
Comme sa mère avait simplement acquiescé par un petit raclement de gorge,
Cordélia continua.
– J’aimerais venir passer quelques jours à la ferme. L’air de la montagne me manque
et vous aussi, mentit-elle. J’ai besoin de me reposer un peu mais ne t’inquiète pas,
je ne vous dérangerai pas.
– Tu penses venir quand ? questionna sa mère.
– D’ici une semaine environ. Si vous avez des projets, je pourrais repousser.
– Des projets…
Cordélia remarqua le ton aigri et pensa que sa mère avait dû hausser les épaules et lever les yeux au ciel. Elle se reprit.
– Je veux dire un surplus de travail…
– Le travail on l’a tous les jours que Dieu fait. Tu peux venir quand tu veux.
– Je pourrais vous aider si vous avez besoin.
– Pas la peine, avec ton père on se débrouille tout seuls.
Pendant un instant Cordélia eut envie d’annuler son voyage, le ton de sa mère était
un véritable repoussoir. Pourtant, elle n’en fit rien. Elle avait vraiment besoin de quitter Paris et laisser Muriel à ses idées saugrenues.
– Je viendrai samedi prochain alors. Ne t’inquiète pas, je ne vous dérangerai pas, rappela-t-elle.
– De toute façon, on n’aura pas le temps de faire des manières. Tu as ta chambre
pour dormir, ensuite tu feras ce que tu veux.
– D’accord maman. À samedi alors, embrasse papa de ma part.
Cordélia raccrocha avec une terrible envie de pleurer.
***
Lorsqu’elle ouvrit les yeux le lendemain matin, Cordélia était encore sous l’emprise
de l’horrible cauchemar, si réel qu’elle avait senti les longs doigts griffus sur ses
poignets lorsque la créature l’avait agrippée. Elle avait même pu capter son odeur, mélange désagréable de feuilles pourries et de terre mouillée. En analysant plus profondément son ressenti, une pensée la glaça d’effroi : La bête n’avait pas voulu l’attraper pour la dévorer, la torturer ou d’autres actes barbares. Non ! Ce monstre espérait entrer en elle. Cordélia frissonna et tout en se traitant d’idiote, remonta la manche de son pyjama. Évidement, dans ses romans, Ilénah aurait eu des marques
bien visibles. Elle, n’en avait pas, quoi que…
Cordélia rabattit la manche sur son poignet, si elle commençait à s’imaginer
n’importe quoi, elle allait finir par perdre la tête. La jeune femme se leva pour
échanger ses sombres pensées contre une douche régénérante. Pourtant, l’agréable moment ne calma pas ses angoisses. Une fois habillée, elle ouvrit son ordinateur portable, attrapa son cahier de notes et s’assit à la petite table, face à son lit.
***
Ils partirent pour Amboise quelques jours plus tard, un peu avant minuit, ainsi l’état de la voiture se remarquerait moins. Sept heures de route après, ils arrivèrent sans encombre. Hugo trouva à se garer sur la même petite place du centre-ville que lors
de sa précédente venue.
« Quelle drôle de situation ! », pensa-t-il un instant désorienté.
La dernière fois, sa vie paraissait plutôt normale, pourtant il était tellement
désespéré qu’il aurait voulu mourir. Depuis, des choses incroyables et terribles
s’étaient passées. Atroces même. Et malgré cette contradiction tout allait bien. Il
sourit à la pensée de sa nouvelle vie.