KATHY FALGUERA        
 
 
 
La Boite aux Souvenirs



 

Extraits

 

 

Première partie : Le Retour de la Star.

 

29 Juillet 1936

 

Le jour se levait à peine lorsqu’une charrette à la peinture écaillée, attelée à un cheval blanc et massif s’arrêta devant la maison. Celle un peu à l’écart du village, près du cimetière.

Aussitôt la porte s’ouvrit puis le père, la mère et la jeune fille sortirent, chacun tenant en main une grosse valise marron. Marti qui conduisait l’attelage les aida au chargement, mais alors qu’il s’apprêtait à repartir avec ses occupants, l’adolescente sauta prestement de la carriole. Elle se dirigea vers le vieil olivier qui l’avait vue grandir et déposa dans un creux profond de son tronc quelque chose qui fit un bruit sec en tombant.

Elle remonta aussi vite qu’elle était descendue et se blottit contre sa mère qui l’enserra de ses bras. Puis la charrette prit la direction de la petite gare à un kilomètre de là.

 

Dissimulé derrière un gros cyprès, le garçon les regarda partir. Il pensa qu’aujourd’hui la jeune fille fêtait son anniversaire. Lui, avait à peu près le même âge, des habits trop grands et de beaux yeux gris aux coins desquels deux larmes perlèrent.

 

La reverrait-il un jour ?

 

***

 

À l’instant où la fanfare entama l’Hymne National, Margaret retira le voile soyeux révélant un buste dont le visage semblait marqué par un lifting raté. Il était évident que cette figure-là était bien laide, comme l’avait déjà constaté Robert Perdiguez, mais il ne se rappelait pas qu’elle l’était autant ! Il y eut une minute de flottement, puis les gamins du village regroupés devant les adultes se mirent à se tordre de rire, montrant de leurs petits index la drôle de figure. À leur tour, les villageois commencèrent à pouffer, rejoignant ensuite les enfants dans un fou rire général. Le préfet était consterné, Robert Perdiguez, blême, aurait voulu disparaître au fond d’un terrier de lapin. Réjouis du malheur de leur confrère et bien contents de ne pas être à sa place, les maires des villages voisins se regardaient, un petit sourire en coin. La Star se retourna faisant face à tous les habitants hilares.

 

***

 

Joséphine se figea dans l’encadrement de la salle de bain et sa colère se transforma en hargne. Elle pensait trouver l’intruse seule pour l’affronter à armes égales et non en train de se faire pomponner devant les yeux ébahis de l’idiot du village.

– Que me vaut le plaisir de votre visite ? questionna la Star d’une voix avenante qui paraissait vraiment sincère.

– Je… Je… Je viens récupérer ma maison.

– Et votre charmant mari ne vous accompagne pas ?

Joséphine sentit une rage folle l’envahir et elle dut se retenir au chambranle de la porte pour ne pas se jeter sur l’actrice et l’égorger avec le ciseau qu’Évelyne avait préparé en vue de la manucure.

– Il est resté dans la voiture. Je lui ai interdit de vous revoir.

– Oh c’est très bien. Voilà un mari obéissant ! Vous avez raison ma chère, en tant que femmes nous devons nous faire entendre et respecter.

Pendant une longue minute, cadencée par le tic-tac du réveille-matin, personne ne bougea, ne parla. Ce fut Margaret qui brisa le silence faisant craqueler le masque déjà sec autour de sa bouche :

« Non seulement je ne bougerai pas du week-end, mais je vais aussi habiter ici le restant de ma vie…

 

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Deuxième partie : Le Fantôme de la Radio.

 

Le catalyseur avait été l’arrivée de la jeune fille. Dès qu’elle était entrée dans la pièce, il avait remarqué le dessin sur son bras et une violente onde électrique l’avait traversé. Ensuite, il avait pensé la reconnaître bien que cela fût impossible.

Jusqu’à présent, il avait tenté de se faire entendre, sans y arriver. Son énergie s’étiolait d’année en année.

Le remue-ménage des dernières semaines l’avait sorti de sa torpeur. Maintenant, le moment était arrivé, il le sentait au plus profond de son être. Et même si les murs devaient en trembler jusqu’à s’écrouler, il fallait que la vérité éclate.

 

***

 

Avant de rejoindre Ian, Aurélie sortit son portable de la poche arrière de son jean, puis comme tout paraissait tranquille au-dessus de sa tête, elle alluma la torche et monta. En éclairant la soupente, elle remarqua que la fenêtre de toit était fermée. Vu le bazar, les animaux, les rats – qu’elle imaginait énormes –, pouvaient passer par un trou dissimulé dans les murs. Devant elle, Ian avançait presque à tâtons. La jeune femme voyait de lui une ombre fantomatique qui se déplaçait lentement.

– Viens, l’appela-t-il, éclaire-moi s’il te plaît, je vais finir par me casser la gueule, il y a des choses qui traînent partout.

Arrivée à côté de lui, Aurélie balaya la pièce avec la torche. Le faisceau lumineux accrocha une vieille chaise sans fond, une armoire à moitié affaissée et ce qui semblait être un coffre. La jeune femme sursauta et se colla contre Ian lorsqu’une bâche déchirée et suspendue à une poutre entra dans son champ de vision. Elle avait cru voir un fantôme sous son linceul. Ian la rassura, puis lui saisit le poignet faisant pivoter la lumière en direction du coffre. Il avait toujours aimé fureter à l’intérieur des vieux meubles de la maison de sa grand-mère. Dénicher de vieilles nippes pour s’en grimer à Carnaval, ouvrir des livres poussiéreux avec de vraies photos qui le faisaient éternuer et farfouiller dans les tas de vieilleries qui avaient eu la chance de ne jamais rencontrer une poubelle. Le coffre ouvert fut vite refermé. Il était vide. « Pas la moindre petite pièce en or », déplora Aurélie.

Soudain, elle reçut en plein visage un flash lumineux et hurla de frayeur.

 

***

 

Lorsque Peter Vincent arriva à la station de radio, Chloé qui le guettait lui trouva un air dédaigneux et un peu trop sûr de lui. Ian l’invita à rejoindre la salle des interviews et s’assura qu’il était confortablement installé. Tandis qu’Aurélie lui amenait une tasse de café fumante, Ian lui demanda :

– Rien à changer aux questions prévues ?

Comme l’homme lui notifia que tout était OK, Ian ajusta son casque et envoya le jingle sonore.

« Bonjour à tous nos auditeurs à l’antenne de BBMM la Radio des Arts. Aujourd’hui, nous recevons un invité très particulier. »

– Monsieur Peter Vincent, bonjour.

– Bonjour Ian et merci de m’accueillir sur les ondes de votre belle radio.

– Merci à vous monsieur Vincent. Nous avons le plaisir de vous recevoir en direct afin que vous nous parliez de fantômes et de maisons hantées. Vous nous direz pourquoi ces entités se manifestent, est-ce qu’il est dangereux de cohabiter et enfin comment s’en débarrasser. Vaste programme et j’espère que nous aurons le temps de tout aborder en une demi-heure. Mais si ce n’était pas le cas, nous vous retrouverons avec grand plaisir dans une autre émission, car j’en suis certain, vous allez passionner nos auditeurs. Je vois Aurélie qui me fait de grands signes, elle aussi semble très intéressée. Alors cher monsieur Vincent…

– Vous pouvez m’appeler Peter.

– Alors Peter, commençons par le commencement : Pourquoi certaines maisons seraient hantées ?

 

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Troisième partie : Secret_Chest.

 

Un bruit réveilla en sursaut Sidora qui se demanda si un rêve ne s’était pas infiltré dans sa réalité ; peut-être la charge des rafales du vent, devenu tempête qui brutalisait les grands stores. Néanmoins, la jeune femme tendit l’oreille et alluma sa lampe de chevet. Une douce lueur enveloppa les meubles d’un voile ouaté et orangé. Elle remarqua que Pudgy n’était pas couché auprès d’elle, d’habitude son petit bichon ne se levait jamais la nuit.

Un autre bruit se fit entendre, donc elle n’avait pas rêvé. Pudgy ! Que pouvait-il bien faire en bas ? Sidora décida d’aller le chercher. Par-dessus son pyjama bleu, elle enfila une longue veste d’intérieur sans manches en mousseline. Comme elle se sentait un peu inquiète, sa première idée fut d’aller réveiller son mari endormi dans la chambre d’à côté – la jaune –, mais elle l’abandonna très vite. Avec la conférence, il avait dû se coucher vraiment tard et risquait de la rabrouer. Maintenant que les choses semblaient s’arranger entre eux, Sidora ne voulait pas tout gâcher.

La jeune femme poussa la porte entrebâillée de sa chambre et descendit l’escalier. Au milieu du salon éclairé par les lueurs des LED se devinaient des morceaux au sol. Son vase était brisé ! Celui qu’ils avaient ramené de leur voyage à Florence et qui trônait sur sa colonne torsadée en acajou. C’est vrai qu’il était mal placé, Jerrel lui avait toujours dit que quelqu’un finirait par le faire tomber, qu’elle devrait le poser sur un meuble avec les autres bibelots. Mais il était tellement beau que Sidora désirait l’admirer de n’importe quel endroit du salon. Et puis, il lui rappelait un passé heureux. La jeune femme se dit qu’elle ramasserait les morceaux demain matin avant que son mari se lève et peste après le chien, car Pudgy était forcément le coupable. Pourtant, il ne faisait jamais de bêtises, c’est bien pour cette raison que Jerrel le supportait. Alors qu’elle s’interrogeait, le petit bichon sortit de la cuisine et trottina à sa rencontre, sa barbichette frisée encore humide. Tout comme à l’étage, la température du rez-de-chaussée était trop élevée. Le système de climatisation s’était sûrement déréglé.

« Le pauvre, il sera descendu boire et aura cassé le vase sans le faire exprès », pensa la jeune femme un peu moins contrariée, elle aussi mourait littéralement de soif. Pudgy sur les talons, elle se dirigea vers la cuisine.

L’éclairage des LED était suffisant pour s’orienter mais pas assez puissant pour qu’elle puisse discerner l’ombre qui se dissimulait, tapie contre la porte qui donnait accès au cellier. Cette porte était fermée à clé, alors la personne alarmée s’inquiéta et pria pour ne plus attirer l’attention du chien et demeurer invisible aux yeux de sa maîtresse.

 

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Quatrième partie : Retour aux Sources

 

Lorsque j’ai hérité de la grande maison située à Font-Romeu, rue des Tulipes, j’avais deux solutions : Soit je venais y habiter, abandonnant de ce fait la métropole et son agitation, soit je la mettais en vente. Quoi qu’il en soit, il fallait tout mettre en ordre avant de la faire rénover. Je m’y suis donc installée le temps de prendre une décision. Je ne travaillais pas et mes enfants ne vivaient plus avec moi. J’avais du temps de libre.

La première semaine, j’ai nettoyé les pièces dans lesquelles je voulais séjourner. Ce n’était pas vraiment sale, plutôt poussiéreux et vieillot, la maison n’avait pas été habitée depuis longtemps.

La deuxième semaine, j’ai alterné tri et balades. Pièce par pièce, j’ai rangé, classé puis amené les vieilleries au collecteur de la ville. Je ne connaissais pas l’endroit et j’avoue que j’ai été conquise par les vastes étendues de forêt lors de mes promenades.

Tout à l’heure, alors que je m’attaquais à la grande salle à manger, d’où la vue sur les Pyrénées est splendide, j’ai trouvé dans l’armoire en bois, sûrement centenaire, une espèce de vieille boite cubique en fer, fermée par un petit cadenas rouillé. J’aurais pu l’arracher sans effort, mais je n’aime pas détruire. Une fois posé sur le plancher, j’ai remarqué que ce gros coffret était bancal : Sous sa base, se trouvait collée la clé du cadenas en très mauvais état. J’étais persuadée qu’elle allait se casser avant l’ouverture ; mais non ! J’ai basculé le couvercle pour découvrir à l’intérieur un petit appareil enregistreur, car j’ai reconnu les symboles des touches. Le coffret contenait encore une grande pochette en plastique épais et jauni. Vraiment intéressée, je me suis demandé ce qu’elle pouvait contenir et j’y ai plongé ma main. J’en ai sorti un vieux cahier, une enveloppe grise sur laquelle il était écrit : À n’ouvrir qu’après la lecture du cahier et l’écoute de l’enregistrement, puis des feuilles plastifiées représentant un genre de généalogie familiale avec simplement des prénoms et des dates très anciennes. Qui étaient donc tous ces gens ? Des ancêtres sûrement, puisque la maison appartient à ma famille depuis de nombreuses générations. J’ai posé ma découverte sur la table basse du salon entre un fauteuil usé que j’ai soigneusement dépoussiéré et un canapé à l’agonie. Il faudra que j’appelle ma grand-mère car même à son âge avancé, elle conserve une mémoire incroyable. Elle connaîtra peut-être quelques-unes de ces personnes.

Voilà, la nuit est tombée, il se fait tard et je suis trop fatiguée pour commencer la lecture du cahier. Vivement demain ! J’ai l’impression d’avoir trouvé un trésor et j’en suis ravie.






 

 



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